A l’instar du cas français, les américains ont à gérer les
déconvenues des programmes de logements publics massifs qui ont été le dogme de
l’urbanisme moderne. Cet article sera un aperçu des méthodes américaines
employées à l’aube des années 90 pour tenter de corriger le tir. Je vous
propose donc de prendre appui sur le cas de Chicago, ville à la fois unique aux
Etats-Unis pour sa qualification de ville modèle, de ville laboratoire pour
l’urbanisme (le volet de la sociologie, de la construction…), et dans le même
temps, Chicago résonne comme la plupart des villes américaines avec une
histoire qui entremêle crime, désinvestissement et pauvreté.
C’est relativement tôt que la recherche et l’action en
faveur du renouveau urbain est née aux Etats-Unis. Dès les années 80, le
nouveau fédéralisme prôné par R. Reagan engage à davantage de décentralisation
et donc une amplification du rôle des collectivités et des Etats dans la lutte
contre l’habitat précaire et indigne. Cette manœuvre annonce une grande liberté
de mouvement dans les politiques de la ville pour les municipalités, et surtout
pour les investisseurs privés. Pour Reagan, ils sont à même de faire la
différence par eux-mêmes… aussi le budget national dédié à l’habitat social est
coupé à hauteur de 87% en 1987 !
Et l’argent qui est reversé depuis le gouvernement vers les échelons les plus bas, n’est pas
placé dans le public. L’ennui c’est que cet argent public était le dernier
garde-fou avant la vie dans la rue pour les personnes en situation de
difficulté résidentielle. Puis dans un
effet de boule de neige, la vie
communautaire a éclaté face à la croissance et la militarisation des gangs, et
la jeunesse aspirait à grandir avant même de trouver un emploi…
Cette situation intenable change avec le passage de B.
Clinton dans le bureau ovale. Sa vision du problème repose dans la
concentration de pauvreté et son idée est de « mix it up ! »,
soit mélanger les revenus. L’urgence est présente pour les résidents des
logements sociaux, mais elle est également médiatico-politique puisque bon
nombre d’américains considèrent ces logements comme un échec et un aspirateur à
dollars !
Le quartier avant restructuration par HOPE VI (crédit Tom Slater) |
Le mix it up
démarre donc à Chicago, dans le South Side sous la tutelle de M. Vincent Lane
qui dirige la Chicago Housing Authority. Le projet, « Lake Parc
Place », colle avec la préoccupation de mixité puisque près de la moitié
des résidents sont issus des classes moyennes. Une réussite s’il en est…
Cet élan sera poursuivi de 1993 à nos jours par le projet
HOPE VI qui signifie Homeownership and Opportunity for People Everywhere qui
s’établit à l’échelle nationale. HOPE VI c’est la volonté d’agir sur la forme
urbaine, d’introduire la notion d’autosuffisance, d’indépendance, d’amener les
résidents à être des employés des services présents dans le quartier, de forger
des partenariats avec des ONG, des conseils de quartiers, des entreprises privées
pour lever des fonds et bien sûr en promouvant toujours la mixité sociale en
toile de fond.
Alors cette dépense énergétique et financière (7 milliards
de dollars depuis 1993) est-elle fructueuse ? A-t-elle mis fin à la
pauvreté urbaine des quartiers ? Dans un premier temps nous pouvons
affirmer que la redynamisation de la situation a amélioré le quotidien, surtout
pour les enfants. Les dégradations, les crimes, les négligences, et la détresse des locataires ont reculé. Des
solutions de relogement ont été apportées après destruction des anciens
appartements… En revanche cette relocalisation a entrainé un stress chez les
habitants. Les démolitions ont encore stigmatisé cette zone géographique et ses
populations, elles ont également offert un terreau de choix pour la
gentrification, et les logements abordables n’ont pas tous été renouvelés. Il y
a là un dysfonctionnement dans le processus de relogement (le service,
l’administratif, car certaines personnes ont été relogées dans des secteurs
quasiment similaires à leur quartier d’origine (en terme de pauvreté). Enfin
les causes structurelles et institutionnelles sont passées à la trappe dans la
compréhension de la pauvreté urbaine.
La destruction des logements laisse place à un no man's land propice aux convoitises des capitaux privés (crédit Elvin Wyly) |
L’ironie de l’histoire est que certains chercheurs en
urbanisme pointent du doigt le fait que le programme HOPE VI fut plus dévastateur
que bénéfique. La solution, pour ces experts, dont D. Hammel,
aurait été de conserver le noyau d’associations présent sur le site afin de
contrer les déplacements massifs…
On le voit, les américains tentent les mêmes méthodes que
les français (injection de capitaux, développer l’emploi, travailler la forme
urbaine…) mais sans grande réussite non plus. Aussi la question est-elle
différente suivant l’urbanisme propre à chaque pays, là où le ghetto US
n’a rien à voir avec le ghetto français… Mais ceci est un autre débat !
Pour en savoir plus :
Kotlowitz A.
(1991) There are no children here
Venkatesh S. (2008) Gang leader for a day
Venkatesh S. (2002) American Project, the rise and fall of a modern
ghetto
Écrit par :
Raphael B.
Sources :
http://www.sudhirvenkatesh.org/
Sources :
http://www.sudhirvenkatesh.org/
http://www.urban.org/projects/hopevi/index.cfm
Conférence sur les projets de logement à Chicago en 2009
à Edimbourg
L'article est très intéressant, et c'est pas mal de nous avoir fait partager des programmes de renouvelles urbains qui se passent ailleurs.
RépondreSupprimerL'un des poins que je rejoins dans ce que tu dis c'est l'importance du coeur associatif dans ces quartiers. Ils sont fédérateurs d'initiatives et de cohésion chez les habitants à mon sens. Leur intégration me parait essentiel dans ce type de projet.
De mon côté, je ne connais pas de projets de ce genre parfaitement réussis.
La mixité sociale est un vaste rêve...
PS : d'autres présentations de ce genre à venir ? Moi ca peut m’intéresser concernant la thèse. ;)
Salut !
RépondreSupprimerMerci pour ton retour positif !
Les associations sont garantes d'un certain respect des populations locales, mais les garanties d'une opération réussie sont dans chacune des parties qui constituent le projet, d'où la difficulté de la manœuvre !
Que veux-tu dire par "présentation de ce genre" ?
J'entends par là des projets de renouvellement urbain à l'étranger par exemple...
RépondreSupprimerTa présentation me motive à écrire sur les politiques de bulldozer au USA comme à Detroit. Affaire à suivre. ;)
Ah ok ! Je n'ai pas prévu de faire une série dédiée au sujet ! Mais pourquoi pas !
RépondreSupprimerAvec Detroit y'a toujours un truc à dire oui (DIY...). C'est à réfléchir !