2 février 2012

MÉMOIRE VIVE | VIVRE LA VILLE D'ISTANBUL

Cet article ouvre une semaine dédiée à la ville d’Istanbul, qui se déclinera dans trois publications.
Nous commençons donc par un article consacré à la vie à Istanbul quand on a les yeux d’une française :

Istanbul ne semble pas si différente des villes européennes. En effet, elle subit leur influence depuis qu’elle fut Constantinople et la capitale de l’Empire Romain, puis par la suite, elle devint la plaque tournante du commerce entre Occident et Orient.
Cependant la culture Ottomane, puis celle des turques de la République, ont façonné l’identité et l’image de la ville. Malgré ces trait communs avec les autres villes du pays, voire même du bassin méditerranéen, Istanbul demeure profondément différente de ses consœurs, tant dans la superficie que dans ses modes de vie.

Ayant habitée cette cité pendant environ 10 mois, j’ai voulu partager avec vous cette expérience unique. Je vous exposerai donc divers aspects de la ville qui m’ont semblé révéler son coté unique et qui ont changé mon regard sur les villes en général.

LES ESPACES VERTS



Istanbul s’est surtout développé sous la période Ottomane. Ce développement c’est principalement fait de manière vernaculaire, sans beaucoup de place pour la planification. La construction était dominée par la technique du bois pour ce qui est des habitations, et de la pierre pour les édifices publics. Ceci explique que seuls les édifices publics (mosquées, palais, école, …) étaient prévus et pensés à l’avance. La facilité et la maniabilité du bois permettait de construire rapidement et de faire des extensions tout aussi aisément. La ville a donc grandi de manière autonome pendant une grande période. Même si à la fin du 18ème, début du 19ème, certains plans d’organisation ont été adopté, pour des quartiers détruits ou à construire. Le mode de fonctionnement de la ville était en place, et est devenu pérenne. Pour exemple, le gecekondu (maison construite en une nuit et donc tolérée par les autorités) a été un mode de fabrication de beaucoup de quartier (aujourd’hui encore). Finalement, les espaces résiduels de la ville ont été peu à peu occupés ne laissant pas beaucoup de marge de manœuvre pour de la respiration. Et c’est ce qui manque le plus à la jeune occidentale que je suis. Beaucoup des grands espaces verts (jardin ou parc) sont extrêmement proches d’une route, voir même d’une autoroute. Je ne retrouvais donc pas les codes qui font de ces espaces, un lieu de calme, de retour à la nature et de détente … que l’on connait dans nos pays. Finalement après avoir étudié la ville et son histoire, il apparait que les stambouliotes vont chercher ce repos à l’extérieur de la ville, soit au nord sur les rives du Bosphore, soit au sud, sur la mer de Marmara (expl : les Iles aux Princes). Cependant ces lieux, sont ou seront menacés par l’étalement grandissant de la ville. Déjà, il ne reste plus de campagne sur les rives du Bosphore, et la ville s’étend presque jusqu’au bord de la mer noire et le long des côtes de la mer de Marmara. L’extension de la Ville au nord, dans les campagnes est donc un enjeu majeur. Reste cependant encore quelques réserves foncières pour la ville, occasion de recréer la campagne stambouliote à l’intérieure de ses frontières ? Plusieurs questions, se posent : faut-il en faire des espaces verts ou créer de nouveaux lieux, plus en phase avec les habitants ? Les stambouliotes adhéreront-ils à ces nouveaux modes de fonctionnement ?

LE RÉSEAU DE TRANSPORT EN COMMUN



Mais revenons à mes débuts dans la métropole stambouliote. La première chose que l’on fait est d’atterrir en avion, puis de regagner le centre en transport en commun. Il faut savoir que la plupart des vols internationaux arrivent à Atatürk Airport, situé sur le continent occidental, même si de plus en plus de vols low-costs arrivent à Saarinen (cotée asiatique). Comme tout étranger arrivant dans une ville inconnu, le premier problème est de se repérer et de trouver son chemin dans le labyrinthe des transports. Pour ma part je devais rejoindre un dortoir d’étudiant situé dans un quartier Nord de la ville, c’est-à-dire traverser plus de la moitié d’Istanbul dans sa hauteur. Heureusement à l’aéroport on trouve facilement des transports pour le centre ville, j’ai nommé Taksim. Nous avons donc le choix entre les bus privés, les bus publics, les taxis, les dolmus, … . Ce sont tous des transports motorisés qui permettent de relier tous points de la ville pour des sommes modiques. J’ai donc pris une navette privée pour la place de Taksim. C’est à cet endroit que les choses se sont corsées. En effet, malgré le nombre incalculable de bus qui arrivent chaque heure sur cette place, cette station n’est pas très grande, et on assiste à un véritable chassé-croisé de ces grosses machines. A cette cohue vient s’ajouter le fait que, bien que les bus ont tous un numéro et une destination (ce qui ne sert à rien quand on ne connaît pas bien la ville), les arrêts eux ne sont pas attribués à un bus précis, et ne portent aucune indication sur le trajet, les horaires, … . Il devient alors assez difficile de se repérer. Plus tard je remarquerais, qu’il n’existe pas non plus de plans clairs et précis du service de bus dans la métropole, simplement un condensé des lignes et arrêts principaux. Cela parait très en dessous de ce qu’une ville de cette ampleur aurait besoin pour tourner. Je dois cependant reconnaître qu’au bout de quelque temps, et pour peu que l’on se soit renseigné sur la destination emblématique où l’on veille aller, le système motorisé des transports en commun d’Istanbul est très efficace. Où que vous alliez, vous trouverez un bus, un dolmus
Dans un deuxième temps, j’ai découvert le réseau sur rail de la ville, qui se résume à trois métros, un tramway, et deux funiculaires. Pour la fille européenne que je suis, il me semblait plus facile d’utiliser ce réseau pour se déplacer dans la ville. Mais plusieurs lacunes viennent entacher ce bel effort de modernité. Dans un premier temps, le manque flagrant de l’offre et la couverture de ce réseau se fait sentir. Seule la partie occidentale de la ville est desservie, alors que la partie asiatique est tout aussi grande (mais n’a qu’un attrait restreint pour le touriste moyen). Ces lignes servent principalement à relier l’aéroport (Ataturk), les gares routières (Zeytinburnu), avec le centre historique (Sultanhamet), puis le centre commercial (Taksim) et enfin le centre d’affaire (Levent). Deuxièmement ce réseau présente un autre désavantage plus contraignant : les liaisons entre ces différents types de transport sont soit inexistantes soit totalement distendues. Le résultat de cet état de fait est que la plupart des stambouliotes utilisent le bus, et très peu les transports sur rail. Les gens aisés habitant sur le continent asiatique préfèrent même souvent la voiture ou le taxi pour se rendre en ville. Cependant de grand projet sont mis en place par la mairie d’Istanbul, et des gros efforts sont en train de voir le jour, pour améliorer cette offre. En effet une ligne de transport rapide est en cours entre les deux rives du Bosphore : le projet de Marmaray (qui passera sous l’eau) et plusieurs lignes de métro ou de tramways sont en cours.
Enfin, comment parler des transports en commun dans cette ville traversée par les eaux sans parler des vapurs, bateaux faisant la navette entre les différents ports de la ville, où ils se relient au réseau de transport terrestre. Aujourd’hui encore, un grand nombre de citoyens empruntent ces bus de mer pour aller au travail sur l’autre rive. Bien qu’un nouveau projet de pont sur le Bosphore soit en cours, je ne pense pas que ces moyens de transports soit voués à disparaître. La ville est trop souvent prise de congestion pour aller d’Est en Ouest avec seulement deux ponts, ou presque trois, pour que les vapurs et leur efficacité disparaissent.


LE PATRIMOINE



Quand on va à Istanbul, on s’attend à voir les milles merveilles que nous promet cette ville. Et en effet le nombre faramineux de mosquées s’ajoute au palais ottoman. Cette ville est emprise d’histoire et ça se voit. De gros effort ont été faits ces dernières décennies, depuis les années 1980 et l’entrée d’Istanbul au patrimoine mondial de l’UNESCO (1985). On peut donc visiter, Sainte Sophie, la mosquée Bleue, le palais de Topkapi, le palais de Dolmabahce, les Citernes Basiliques, les restes de l’Empire Romain d’orient, … etc. Cependant on remarque que les efforts on été concentrés sur le patrimoine ottoman, et la plupart des édifices antérieurs (datant de Constantinople) ont été laissés de coté. On notera par exemple, l’anarchie avec laquelle la muraille de Théodose II à été rénové. Sur certains de ces tronçons (elle fait 7km de long) elle à été reconstruite et ressemble plus à Disneyland qu’à un bâtiment romain, d’autres fois elle est laissée à l’abandon et récupérée par les habitants pour servir de déchèterie. Ce qui m’amène au point essentiel de la culture patrimoniale stambouliote. Les habitants d’Istanbul tellement habitués à voir des monuments et édifices anciens où qu’ils se tournent, ne s’en préoccupent plus. On peut retrouver des fontaines, des stèles, des murailles, des thermes ou autres, au milieu de la masse bâti de la ville. Ils servent tantôt de soutènements, de façades, ou plus simplement ils sont laissés là, au milieu de la rue. Une fois que l’on a visité la partie historique, on comprend bien, que la ville ne peut pas sanctuariser tout son cœur urbain. Il faut donc reconnaître les bâtiments les plus emblématiques et laisser le reste pour que la ville se reconstruise sur elle-même tel un palimpseste. On ne parle pas ici de détruire, mais la politique de la ville est d’évaluer l’importance des découvertes archéologiques, de les répertorier, et de ré-enterrer tout ce qui ne semble pas essentiel. En effet sur la partie la plus ancienne de la ville, on ne peut pas creuser sans tomber sur des ruines ou des restes archéologiques. Un autre aspect qui découle de cela, est que les stambouliotes n’hésitent pas à utiliser ces reliques. Par exemple des maraîchers utilisent les espaces vides de la muraille terrestre de la ville pour y cultiver des légumes qui seront revendu dans les marchés de la ville. Cette attitude peu paraître irrespectueuse, cependant ces pratiques permettent de conserver la muraille, en effet ils prennent soin de leur environnement. Cela entraîne une continuité de la vie du bâtiment dans le temps, celle-ci ne se stoppe pas à notre époque, et l’avenir nous dira comment il aura survécu aux prochains siècles.




LA MANIÈRE D'ACHETER TURQUE

Je terminerai ce bref aperçu, par la chose qui m’a le plus marqué et qui me manquera certainement encore longtemps. J’ai personnellement toujours préféré aller faire du shopping en centre ville, dans des commerces à ciel ouvert, que dans une galerie marchande, où je me sens claustrophobe. J’ai donc particulièrement apprécié les commerces d’Istanbul. En effet dans tous les quartiers, qu’ils soient pauvres ou riches, on retrouve une importante concentration de petits commerces. Cette manière de consommer, partout, tout le temps, pourrai être épuisante à la longue, mais en réalité on est jamais blasé de ces échoppes ou marchands ambulants. Il y en a toujours un pour nous faire découvrir quelque chose.

Pour être plus clair je vais vous exposer les différentes manières d’acheter :
Premièrement, et celui que tous les touristes connaissent : le restaurateur ambulant. Le plus connu d’entre eux est le vendeur de Simit (bretzel au sésame), avec sa roulotte. On trouve bien entendu des vendeurs d’eau (à 50 kuruc), mais également une pléthore d’autres vendeurs de toutes sortes de nourriture : les épis de maïs, les marrons chauds, les moules farcies, le sucre aromatisé, les galettes au fromage, le riz pilav, du jus de fruit pressé. Rien de mieux que de partir le matin et de s’acheter en chemin un verre d’orange pressé et un simit au fromage.



Deuxièmement, on trouve les commerces de proximité, les épiceries, boucheries, boulangeries ou quincailleries de quartier. Ce sont en général de toutes petites boutiques qui servent à desservir deux ou trois pâtés de maisons, puisqu’on en trouve à chaque coin de rue. Dépendant de leurs tailles, on peut y faire ses courses tous les jours, ou juste en cas de dépannage.



Ensuite viennent les boutiques qui pourraient ressembler à ce que l’on a en France, mais à bien y regarder de plus près, et mis à part quelques grandes marques implantées des les hyper-centres (oui il y en a plusieurs), les boutiques des centres urbains sont toutes aussi diverses que variées. Elles sont souvent indépendantes, et très spécialisées. Que des manteaux, que des guitares, que des chaussures, que des ampoules, que des clous ! De plus les spécialités se réunissent souvent entre elles dans des quartiers. Ce qui amène un paysage urbain vraiment surprenant. Les quartiers sont ainsi foisonnants et riches, toujours animés, même tard le soir (les boutiques ferment entre 20h et 22h).



J’ai pu également me rendre dans certains centres commerciaux d’Istanbul. On y retrouve tout ce qui fait une galerie marchande : des filiales toutes identiques, pas de lumière naturelle, des sols aux motifs tachetés, et des allées larges et assourdissantes. La plupart des turcs avec lesquels j’ai pu échanger sont beaucoup plus intéressés par ces nouveaux modes de consommation que par les petites boutiques avantageant la diversité. Est-ce la le besoin de se moderniser à la manière des occidentaux ? La question est posée. Il me semble que c’est ici un réel enjeu politique pour les années à venir, que de préserver et valoriser cette culture de la proximité, qui apporte un véritable plus dans la vie des quartiers.



Les prochains épisodes de ce « Spécial Istanbul » auront lieu
Vendredi 03/02/2012 avec des « Trouvailles du Net / #6  » complètement folles.
Dimanche 05/02/2012 avec un « Dessus de Ville » qui vous parlera de la géographie de la ville.

Écrit par : Marine C.

4 commentaires:

  1. Une riche expérience très agréablement narrée et qui donne envie de déambuler dans ces rues !

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  2. merci pour cette belle balade dans Istanbul, ça donne envie de voir plus de photos! c'est fou que la ville se soit développée de part et d'autre du bosphore. et comment ça se passe pour relier la partie ouest et la partie est, ça suffit les ponts existants?

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  3. Les ponts existants ne suffissent pas !

    Il y a deux ponts sur le Bosphore qui supportent tous deux deux autoroutes (2*3 voies je crois). Le premier sert surtout pour les transports inter-urbains, le second sert pour les transports de marchandises d'ouest en est (relatif à la région, au pays voir même à l'Europe). Bref pas mal de transit.

    Un projet en cours dans la ville est de créer un troisième pont plus au nord pour soulager le trafic. Je pense, personnellement, que c'est une bêtise de le mettre en place. Le construire ne fera qu'empiété sur les réserves vertes (eaux, forêts et champs) de la ville tout en augmentant l'ampleur de la cette dernière, son nombre d'habitants, et donc le trafic sur les ponts. Le vrai problème est la mentalité turque qui est encore beaucoup attachée à la voiture.

    Par contre d'autres types de transports sont en place, tel que les Vapurs (bus de mer), qui traversent le Bosphore en toutes parts. Un autre projet est celui du tunnel sous le Bosphore avec un train urbain.

    Finalement je pencherai plus pour la solution transport en commun.

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  4. Excellente analyse de la situation stambouliote ! Il faut avoir été en Turquie et plus spécialement à Istanbul (bonne orthographge française) pour accepter les écrits de Marine.
    En octobre 2014, le 3° pont "Sultan Selim" est en cours - sans tenir compte de la destruction de quelques un million d'arbres, poumon vert d'Istanbul -, un tunnel sous le Bosphore le "Marmaray tunnel" est aussi en cours.
    Les 2 ponts existants sont maintenant à péage : l'Europe déteint ...
    Quelles études amènent à rester 10 mois dans cette belle ville historique ?
    Jean-Louis

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