28 mars 2012

HISTOIRE D'ARCHITECTURE | UNE ARCHITECTURE MADE IN AFRICA : LA DECOUVERTE DE FRANCIS KERE

Maquette du projet sur le site operndorf-afrika

BRÈVE INTRODUCTIVE

Après mon premier article DESSUS DES VILLES | Ouagadougou et quelques références (1-2), je continue mon exploration de l’Afrique et plus précisément, du Burkina Faso. Aujourd'hui, je vais vous parler de Françis Kéré et de son projet de Village-Opéra au Burkina Faso.

Avant d'aller au Burkina, il ne me semblait pas connaître cet architecte. Je me trompais : juste avant de partir là-bas, j'avais lu un petit article sur ce projet dans la revue Ecologik n°23. Et j'avais vu d'autres images également. Ce n'est pas son nom qui m'a marqué au final, mais son architecture innovante et mettant à sa vraie valeur l'architecture de terre. En allant sur le site du Village-Opéra, c'est effectivement ça qui m'a sauté aux yeux !

Francis Kéré, est un burkinabé qui est parti faire ses études d'architecture en Allemagne. Il y est toujours installé. Il a monté son agence connu maintenant à l'international et a remporté plusieurs prix d'architecture.


SA VISION DE L'ARCHITECTURE...

Françis Kéré a des sujets de prédilections comme le logement et le développement urbain, les enjeux climatiques et des réponses avantageuses, l’exploitation durable des matériaux et dès qu’il le peut, il essaye d’intégrer la main d’œuvre et les techniques de constructions locales.
D’ailleurs sa devise est « l’aide à l'auto-assistance. Seuls ceux qui prennent part aux processus de développement sera en mesure d'apprécier leurs résultats, de continuer, et pour les sauver. »
Il a réalisé depuis plusieurs écoles, des espaces culturels (musée, opéra, etc.) ou des bureaux, comme des parcs. L'une de ces dernières réalisations est le centre de l'architecture en terre à Mopti (Mali).
Centre de l'architecture en terre à Mopti


Son architecture est reconnaissable : l’utilisation de la brique de terre, des volumes simples, des systèmes de toitures adaptés au climat, des couleurs vives pour les ouvertures (vert, jaune). Il offre une manière contemporaine et innovante d’exploiter le matériau « terre ». En général, la terre est vue comme peu pérenne, fragile, se dégradant rapidement et ne représentant pas la richesse et de la stabilité.



LE VILLAGE-OPÉRA : UNE COMMANDE AMBITIEUSE ET INNOVANTE

Ce projet prend essence grâce au metteur en scène Christoph Schlingensief qui rêvait de produire un espace pour "réinventer l’art – pour l’art lui-même, mais aussi pour sa propre résurrection".  Cet espace doit permettre la rencontre des cultures, leur confrontation, leur mélange et être toutes sur un même pied d'égalité. Son utopie prend rapidement forme : l'idée d'un opéra en Afrique est né.

Après avoir visiter plusieurs pays en Afrique de l'Ouest, il découvre le Burkina Faso où il trouve le paysage tant recherché pour installer l'opéra. Il contacte alors Françis Kéré pour mettre en œuvre ce projet et ensemble, ils projettent ce lieu de rencontre sans précédent dans cette région de l'Afrique.



Un programme vaste et complexe se dessine. Ils imaginent : un opéra, une école pouvant accueillir 500 enfants, avec entre autres des classes de cinéma et de musique, une infirmerie, des ateliers, une maison d’accueil, des entrepôts, des habitations, des maisons d’hôtes, une cantine, des bureaux, un café, des lotissements, un terrain de football, des terrains agricoles, un restaurant, une scène de théâtre, une salle des fêtes et des salles de répétitions

En posant les éléments programmatiques et en s'adaptant au terrain, le village prend la forme d'un escargot. Une succession d'objets viennent s'enrouler autour de son cœur, l'opéra qui est la dernière étape de cette ascension en spiral.









Le coût global des investissements attendus pour la réalisation est de 2,2 millions d’euros, soit 1, 441 milliard de FCFA. En 2010, plus de la moitié des financements étaient déjà assurée. Le ministère allemand des Affaires étrangères a subventionné 200 000 euros, mais aussi la Fondation culturelle fédérale. Le Goethe-Institut devait contribuer avec une somme de 150 000 euros. Des artistes allemands ont également soutenu la promotion de ce projet et ainsi, l’auteur Henning Mankell, le musicien Herbert Grönemeyer et le réalisateur Rolland Emmerich se sont engagés.

La première phase du chantier a  débuté le lundi 8 février 2010 lors de la cérémonie de pose de la première pierre. En Octobre 2011, l'école primaire a été inauguré.
Malheureusement, le grand investigateur de ce projet, Christoph Schlingensief, ne pourra pas voir la fin de ce projet. Il est mort en Août 2010 suite à un longue maladie. C'est sa femme qui soutient la poursuite de ce travail.


UNE EXPÉRIENCE UNIQUE : UNE LECTURE AU CŒUR DU SITE

Le site se trouve à environ 30/40 minutes de Ouagadougou, la capitale du pays. Ce terrain de 14 ha attribué par l'Etat se trouve dans la commune de Ziniaré sur le village de Laongo. Le lieu parait au milieu de nulle part : Aucune habitation en vue et des paysages stupéfiants !  Où sommes-nous ? Ça  peut sans problème nous laisser songeur face à l'impact communautaire de ce projet...
Mais pourtant, ce site est le voisin d'un parc de sculptures conçu il y a 20 ans et accueillant tous les ans des événements artistiques. Le Village-Opéra est également au cœur de plusieurs villages avoisinants permettant ainsi de drainer de nombreux enfants et de leur offrir une école de qualité.

J'ai eu la chance de pouvoir découvrir le chantier du Village-Opéra 2 fois. A chaque fois, c'est une visite plaisante et qui nous laisse rêveur. A revoir lorsqu'il sera fini. Mais pour l'instant, je vous laisse découvrir ce village en pleine construction en espérant que ces images vous permettront de voyager...

1/ Un site extra-ordinaire
Nous n'avons qu'une envie au final : que ce bâtiment reste là, seul, sans que rien ne viennent faire interférence dans sa résonance avec le paysage.  Cela donne envie à la création et permet la tranquillité face aux pollutions de la ville (son, odeur, mouvement, etc). Nous pouvons voir que certains bâtiments viennent cadrer le regard pour l'orienter sur les différentes strates du paysage.


2/ Une succession de volumes rouges s'enroulant autour du futur cœur du village
Ce rouge attire énormément. Les volumes sont simples et sont recouverts par une toiture en tôle. Il y a d'ailleurs toute une expérimentation faite sur les ouvertures, l'orientation,  les matériaux et les hauteurs des bâtiments pour répondre aux enjeux bioclimatiques. Les conditions de vie sont très rudes ( entre 40 et 50°) à certains moments de l'année. 
L'implantation des ces volumes rouges indique que le site a été peu modelé. Au contraire, les bâtiments ont l'air d'être placés et adaptés en fonction du site. Certains éléments géo-morphologiques spécifiques au lieu, arbres et rochers, n'ont pas été enlevés et ont été intégrés dans la composition spatiale. Par exemple, un arbre se retrouve être centrale dans l'aménagement de la cours se trouvant devant l'une des salles de classe (espace de jeu, d'attente et d'assise). Cela rappelle l'organisation traditionnelle de la place du village.




3 / Des espaces intérieurs spacieux, une finesse des dispositifs architecturaux




Voici la fin de cette visite.
Pour ma part, je reste fascinée devant ces images, et cela me donne envie de découvrir d'autres projets de ce genre et d'imaginer les potentialités de la terre.

Et vous, maintenant en découvrant ce type d'édifice ou de quartier, est-ce que votre regard a  changé sur les possibilités qu'a la terre dans l'architecture contemporaine ?


Photographies:
Charline Sowa

Sources :
http://www.kerearchitecture.com
http://www.operndorf-afrika.com/fr/accueil.html
http://villageopera.posterous.com/

Écrit par : Charline S.

1 commentaire:

  1. Très belle réalisation en effet ! Je reste abasourdi par toutes les teintes de rouge : jamais une pareille !
    Le site semble a lui seul magique, c'est noble de leur part de composer avec cet élément.
    Et oui, Charline, je pense que la terre, au moins au Burkina Faso, a de beaux jours devant elle :) Une vraie référence !

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