30 novembre 2011

SECRETS DES VILLES | DU PALAIS DU TRAVAIL AU TNP

« UTOPIES RÉALISÉES »  épisode 2

UN PROJET CITOYEN

Le Théâtre National Populaire de Villeurbanne a rouvert ses portes le 11 novembre dernier, après de gros travaux de réhabilitation. Installé au cœur des Gratte-ciel, il a subit de nombreuses transformations qui font de ce bâtiment bien plus qu’un simple théâtre.
A l’origine, l’édifice inauguré en 1934 était le Palais du travail. Il fut le premier bâtiment édifié dans le projet urbain des Gratte-Ciel.
La volonté du maire villeurbannais Lazare Goujon de réaliser ce bâtiment, s’inscrit dans un contexte particulier. Les communes socialistes, comme Villeurbanne, se réunissaient en réseaux, afin de confronter et d’échanger leur manière de penser la ville. Représentés par le syndicat, le parti ou la coopérative, elles souhaitaient transformer le capitalisme.
Un modèle architectural naît de ces ambitions : les « Maisons du peuple » qui se développaient notamment en Belgique. Un exemple pour Villeurbanne, qui n’avait ni Palais du commerce, ni salle de conférence ou de salle de concert. Le maire villeurbannais veut alors créer le « Palais du travail » qui associerait des valeurs telles que : le travail, la santé, la coopération, les loisirs et l’éducation. Il souhaite « un véritable temple laïque, centre d’activité intellectuelle, artistique et morale, indispensable à l’éducation de la classe ouvrière, condition essentielle d’une amélioration de son sort ». 


UN PROJET ARCHITECTURAL

Un concours est organisé en 1928, et une association est montée afin de récolter les fonds nécessaires à l’édification du Palais du travail. Ce sera Môrice Leroux avec son projet « sous le ciel de Villeurbanne » qui sera retenu. Accompagné de Tony Garnier, il finalisera les plans du bâtiment. 
Les travaux débutent par l’aile Est qui accueillera le dispensaire, le bureau d’hygiène social ainsi qu’une salle de conférence. Dans la partie centrale, on trouvera une brasserie au rez-de-chaussée, un théâtre aux étages, et au sous-sol…. une piscine ! L’aile Ouest sera quant à elle occupée par des bureaux et des salles de réunions.
L’architecture est sobre et monumental, donne une impression de modernité et de solidité, sans décorations inutiles.

UN PROJET TOTAL

Ancien médecin, Lazare Goujon veut mettre en place ses idées hygiénistes : soigner les gens dans le dispensaire municipal, lancer des campagnes de vaccination et sensibiliser à travers des conférences (ou « causeries »). La piscine répond aux préoccupations sportives et éducatives.
La fonction éducative sera renforcée avec l’ouverture de l’ « université populaire », en 1937, où sont dispensés des cours techniques permettant « d’élever le niveau général de la population ».
Le hall central changera bien souvent d’usage. Au début, il est occupé par la coopération, avec un cercle-brasserie où se déroule des banquets. En 1942, il deviendra le restaurant de la Légion française, et sera de nouveau transformé en 1948, pour devenir une salle des fêtes. En 1953, le service de télévision française s’y installera, pour émettre la télévision régionale.
Difficile de s’y retrouver à travers tant de changements. Finalement, c’est le théâtre qui va s’imposer et redonner une symbolique forte au bâtiment. Mais ce dernier est lui aussi passé par quelques évolutions…

UN PROJET CULTUREL

Le théâtre, ouvert en 1934, est le volet culturel du Palais du travail. Avec une salle de 1500 places, c’est le lieu de référence des spectacles d’opérette. Le but de la programmation est de « mettre le théâtre à la portée de tous ». Ce doit être un lieu de distraction, avec un rôle pédagogique. Il y a une à deux représentations par semaine, à des prix attractifs.
 La première métamorphose intervient avec l’arrivée de Roger Planchon. Jeune ardéchois de 26 ans, comédien et metteur en scène, il va apporter le projet de « théâtre dans la cité » inspiré par Jean Villar et son Théâtre National Populaire de Chaillot (à Paris). Il souhaite un outil à la mesure du Palais du travail, un véritable théâtre de création. Ainsi ouvre en octobre 1957, le « Théâtre de la cité ». La salle accueille des spectacles de théâtre, des opérettes, mais aussi de la chanson et du jazz.
Le théâtre va réellement prendre le devant en 1972, avec Roger Planchon, Patrice Chérreau et Robert Gilbert qui vont prendre la direction du TNP. Le Théâtre National Populaire se décentralise en déménageant de Paris à Villeurbanne. Le symbole est fort et correspond aux aspiration du TNP : en s’installant dans une ville ouvrière de banlieue, il s’inscrit complètement dans la volonté de démocratiser la culture et d’accueillir tous les publics. Le résultat est un franc succès, le TNP devient une institution dans toute l’agglomération. En 2002, c’est Christian Schiaretti qui devient directeur du TNP, prolongeant les fondements d’un théâtre populaire. Il va choisi de privilégier les textes classiques, pour offrir « le meilleur pour tous » : Molière, Victor Hugo, Shakespeare, …


UN PROJET MIS A JOUR
Pour le TNP, c’est aujourd’hui la fin d’un grand chantier de réhabilitation. 
 Ces travaux ont permis de créer un outil de travail plus fonctionnel et d’ancrer le lieu dans le XXIième siècle. Il a notamment été important de répondre efficacement aux différents flux : accès des véhicules pour décharger, passages de services pour les artistes et le personnel du théâtre, et accès du public. Les agences d’architecture retenues pour ce projet ont été Fabre-Speller et Arassociati (agence milanaise). Ils ont poursuivi l’esprit d’origine en renforçant l’image théâtrale. Des salles de répétition ont été crées et la salle de spectacle principale a complètement été repensée, avec la reconstruction de la cage de scène de 37m de haut. La surface totale du théâtre a été doublée ! Au niveau de l’intégration urbaine, il  n’a  pas été évident de concevoir un théâtre, car les façades sont principalement aveugles (sans fenêtres). Pour palier à cela, les architectes ont joué sur une trame de fausses fenêtres, créant un rythme. 
Dans le hall, retour au origine avec l’installation d’une brasserie, refaite d’après une aquarelle de Môrice Leroux (ouverture prévue début 2012). L’aile gauche accueille à nouveau des associations et des syndicats. La piscine du sous-sol fonctionne toujours, elle vient d’être rénovée, avec l’ajout de puits de lumière et une mise en conformité.

Les changements d’usages ont transformé l’organisation générale du bâti au fur et à mesure dans le temps. Depuis les années 30, son architecture a traversé les époques, en restant toujours un lieu populaire pour les villeurbannais et une institution pour toute l’agglomération.

Une projection sur la façade du bâtiment a eu lieu avant l’inauguration, retraçant l’histoire complexe de ce bâtiment. Une belle mise en lumière, nourrie de documents d’archives. 
Pour en savoir plus : exposition « le Palais du Travail » en ce moment et jusqu’au 25 février 2012, au Rize à Villeurbanne.  http://lerize.villeurbanne.fr/

Et rendez-vous au prochain épisode pour découvrir un autre quartier utopique mais vrai

A lire ou relire :
Episode 1 : THE GRATTE-CIEL OF VILLEURBANNE
Sources photographiques :
Aurore, google image
Sources :
Écrit par : Aurore B.

1 commentaire:

  1. Un ami m'en avait déjà parlé. Après cet article, je serais vraiment curieuse d'aller découvrir cet endroit !

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