30 janvier 2013

EXPO ET AUTRES CURIOSITÉS | « L’URBANISME EN MOUVEMENT » SELON A. CHEMETOFF

Portrait d'Alexandre Chemetoff (via)

Au mois d’Octobre (le 22/10/2012), j’ai eu la chance de voir à Grenoble une conférence d’Alexandre Chemetoff. A la suite de ça, j’ai voulu vous présenter sur Vis[LE] son discours et ses grandes réflexions qu’il nous a présentés ce jour-là.
Voici un résumé de la conférence et mes impressions.


QUI EST-IL ?

Alexandre Chemetoff est à la fois paysagiste, urbaniste et architecte. Humaniste convaincu, il place l’homme au centre de sa réflexion. Pour lui, l’aboutissement d’un projet n’est pas le moment de la réception des travaux mais le moment où l’homme s’est approprié les lieux pour en faire un espace vivant et utile.

Alexandre Chemetoff pense que la ville se transforme sur elle-même et que cette transformation a trait aux usages, à l’appropriation des lieux par l’homme. Pour cet architecte aux compétences multiples, « travailler sur le changement conduit à l’accepter ». Il faut aujourd’hui accepter la reconversion de sites. 
Cette évolution amène à se poser la question : à quoi servent les espaces publics ? A l’embellissement ou aux usages ?
L’espace urbain évolue dans le temps et développe des usages non prévus à l’origine : pelouse utilisée comme espace de détente ou terrain de sport, espace de concerts improvisés, prolongation de boutiques/bars sur l’espace urbain… C’est un lieu complexe qui évolue dans le temps en fonction des pratiques qu’il accueille.


LES USAGES

Pour Alexandre Chemetoff, pratiquer la ville c’est prendre un certain nombre de libertés pour occuper et investir l’espace urbain : en faire un lieu un peu à soi, qu’il est agréable d’occuper.
Ainsi il est important qu’un dialogue s’installe entre le projet, le programme et les usagers.

Dans son projet « déjeuner sous la treille », à Peynier (13). Il a été mis en place une treille au centre de la place et organiser un déjeuner. L’objectif était de donner l’opportunité à ses habitants de découvrir et de s’approprier ce nouvel espace. Dans ce cas précis, l’architecte est à l’origine de l’évènement pour que les habitants prennent possession de l’espace qu’il a conçu et que ceux-ci lui donnent vie.
Projet de place à Peynier (via)

Les nefs de la Loire que l’île de Nantes ont quant à elles développées des usages non programmés et indépendamment de la volonté de l’architecte en charge du projet. L’architecture devient ainsi un espace vivant accepté et utilisé par ses habitants.


LA CARTE

Alexandre Chemetoff pense que toute intervention est une intervention située. Le projet d’aménagement doit prendre en compte les caractéristiques propres au site d’intervention. Ainsi se pose la question de l’identité du lieu. L’analyse et la parfaite compréhension du lieu d’implantation du projet deviennent une étape essentielle du projet. Grenoble, par exemple, se trouve dans une position particulière car, grâce au relief environnant, la ville peut rapidement être vue de haut. Elle se transforme ainsi en un plan relief : les vides et les pleins deviennent lisibles. Il est ainsi important de penser l’espace public en plan et de comprendre sa formation. La place de Metz présente un léger défaut d’alignement probablement lié à l’évolution des règlements urbains. Ce petit renfoncement peut ainsi accueillir un nouvel usage tel qu’un salon extérieur. Il est une trace de l’évolution historique du lieu car ce retrait (ou avancement) d’alignement n’a été rendu possible que par un nouveau règlement d’urbanisme ou un choix délibéré.

À Angoulême le projet rassemblant un parking, un centre commercial, des logements et des espaces publics s’implantait en continuité des remparts de la ville. Ainsi se pose la question du traitement de la relation entre le rempart et l’édifice, du lien à créer entre ancien et nouveau. Le projet réalisé est une réinterprétation des caractéristiques du rempart : mur appareillé symbolisant la force du rempart.
L’idée développée par le projet montre une continuité dans la maçonnerie entre le rempart et le centre. Un soin tout particulier a été apporté au choix de la pierre et sa mise en œuvre. Une attention particulière a été portée sur l’appareillage qui se veut contemporain d’art plutôt que sur un pastiche…
Pour Alexandre Chemetoff, en plus de créer un lieu de vie agréable (de la lumière naturelle inonde le centre commercial pensé comme une rue marchande), il fallait tisser un lien urbain et humain entre le projet et son contexte, le centre-ville.

Projet d'aménagement du Champs de Mars - Angoulême (via)
Pour voir plus de photographies du projet, c'est >>> ici <<<

Dans un projet qui n’a pas été réalisé, une réflexion a été menée sur la réutilisation d’une friche industrielle en jardin. Comment employer la nature et l’architecture déjà présentes pour en faire un nouveau lieu de vie ? Le concept était d’utiliser l’histoire du lieu, de ses tracés et de son organisation comme base de projet et de présenter la succession des couches historiques qui ont marqué le lieu.

Pour Alexandre Chemetoff, l’histoire et le contexte du site sont importants. Le lieu se dévoile par la juxtaposition de styles, d’époques et de différences. Sa conviction que chaque intervention doit être située provient d’une vision sensible du lieu où tout accident est un morceau d’histoire à raconter.


LE REMPLOI

Alexandre Chemetoff a été en charge du projet d’extension du parc Paul Mistral à Grenoble. « Changer peu pour changer beaucoup » nous dit-il. L’idée directrice a été de réutiliser les voies de circulation voiture condamnées et les transformer en voies piétonnes : conservation des tracés, réutilisation des fondations des voies mais changement d’utilisateurs. Ce remploi a permis de réaliser un projet de vie entièrement dédié aux piétons avec peu de moyen.
Extension du Parc Paul Mistral - Grenoble (via


La forme urbaine engendrée par l'aménagement des berges de l'Isère a permis une appropriation étonnante de cette espace par la population. L'un des évènements phares a été en Juillet 2010, dans le cadre du Cabaret Frappé, la mise en place d'installations autour du son et du feu. L'agencement a été pensé pour que les installations soient complément intégrés au lieu et à sa morphologie, permettant à la fois de mettre en lumière son cadre paysager mais aussi faire découvrir ces espaces par le piéton.

L’aménagement du boulevard Vivier Merle à Lyon est un autre exemple de projet où le lieu offre de la matière au projet. En effet, le site a apporté les matériaux nécessaires au nouveau projet. Ainsi il devient une sorte de carrière et les pavés présents sur site sont réutilisés pour créer de nouveaux espaces. Ce qui existe devient ainsi le gardien de ce qui était.

Alexandre Chemetoff nous explique ensuite que les enrobés minéraux et artificiels peuvent être broyés et transformés pour réaliser un sol stabilisé et fertile et n’ont ainsi pas besoin d’être retirés, transportés et détruits, ce qui réduit le coût du projet et laisse une trace de l’ancien aménagement du site en question. 


NATURALITÉ

Alexandre Chemetoff développe l’idée que la façade se travaille aussi bien à la verticale (les baies…) que dans l’épaisseur. La façade d’un bâtiment c’est ce qui accompagne l’habitant, du trottoir (espace public) à l’intérieur de l’immeuble. L’architecte doit domestiquer le passage entre l’extérieur et l’intérieur. Il développe ainsi l’idée d’appréhender la façade comme un seuil.

Le travail sur les berges de l’Isère à Grenoble a donné lieu à une recherche de naturalité : un dialogue entre le végétal et l’architecture, où cette dernière devient support du développement de la première. Alexandre Chemetoff souligne l’importance d’intégrer le végétal, le vivant, dans l’architecture tout comme il intègre « l’homme » dans ses projets.

Pour lui, l’architecture n’est pas le projet livré brut, l’architecte doit voir plus loin et donner l’opportunité aux habitants de s’approprier l’espace, de leur permettre de le faire évoluer. « L’île de Nantes » offre un bon exemple de cette idée de perception de l’espace par l’occupation de l’homme. La fréquentation de l’espace change également la perception de celui-ci. Il faut penser l’espace comme non-figé et le laisser évoluer avec la nature et le temps.

Projet d'espace public - l'Île de Nantes (via)

Alexandre Chemetoff prône un urbanisme en mouvement, sensible et ouvert au temps qui passe. Il recherche dans le projet un fil conducteur et pas un projet figé, quelque chose qui peut évoluer au gré des changements d’usages et des besoins. Son objectif est de trouver un juste milieu entre les éléments contrôlables et ceux qui ne le sont pas. « Le projet n'est pas seulement le résultat mais aussi le moyen d'y parvenir. Il n'est pas un processus, il n'est pas une méthode, il est véritablement une démarche de projet, d'invention, d'expression, d'affirmation. »


Pour découvrir d’autres de ces travaux :
http://archiguide.free.fr/AR/chemetoff.htm

A voir aussi :
http://webtv.citechaillot.fr/video/alexandre-chemetoff-lecon-inaugurale-lecole-chaillot


Écrit par : Camille B.

Sources :
http://www.ma-ge.ch/sites/default/files/CV_Agence_2008a5_v2_bd.pdf
http://lateliersanstabou.forumactif.com/t228-alexandre-chemetoff-la-definition-du-projet-et-autres-belles-pensees-concretes 

1 commentaire:

  1. L'article m'a passionné! Ca me motive encore plus à découvrir cet archi/urba. Si certains pouvaient un peu plus sans inspirer, il y aurait plus d'espaces publics de qualité !
    En tout cas, ça m'a permis de découvrir différemment des projets que je connaissais comme celui du parc Mistral ou d'avoir d'autres références !

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