Portrait d'Alexandre Chemetoff (via)
Au mois
d’Octobre (le 22/10/2012), j’ai eu la chance de voir à Grenoble une conférence
d’Alexandre Chemetoff. A la suite de ça, j’ai voulu vous présenter sur Vis[LE]
son discours et ses grandes réflexions qu’il nous a présentés ce jour-là.
Voici un
résumé de la conférence et mes impressions.
QUI
EST-IL ?
Alexandre Chemetoff
est à la fois paysagiste, urbaniste et architecte. Humaniste convaincu, il
place l’homme au centre de sa réflexion. Pour lui, l’aboutissement d’un projet
n’est pas le moment de la réception des travaux mais le moment où l’homme s’est
approprié les lieux pour en faire un espace vivant et utile.
Alexandre
Chemetoff pense que la ville se transforme sur elle-même et que cette
transformation a trait aux usages, à l’appropriation des lieux par l’homme. Pour
cet architecte aux compétences multiples, « travailler sur le changement
conduit à l’accepter ». Il faut aujourd’hui accepter la reconversion de
sites.
Cette évolution amène à se poser la question : à quoi servent les
espaces publics ? A l’embellissement ou aux usages ?
L’espace
urbain évolue dans le temps et développe des usages non prévus à
l’origine : pelouse utilisée comme espace de détente ou terrain de sport,
espace de concerts improvisés, prolongation de boutiques/bars sur l’espace
urbain… C’est un lieu complexe qui évolue dans le temps en fonction des
pratiques qu’il accueille.
LES USAGES
Pour
Alexandre Chemetoff, pratiquer la ville c’est prendre un certain nombre de
libertés pour occuper et investir l’espace urbain : en faire un lieu un
peu à soi, qu’il est agréable d’occuper.
Ainsi il est important qu’un dialogue s’installe entre le projet, le
programme et les usagers.
Dans
son projet « déjeuner sous la treille », à Peynier (13). Il a été mis
en place une treille au centre de la place et organiser un déjeuner. L’objectif
était de donner l’opportunité à ses habitants de découvrir et de s’approprier ce
nouvel espace. Dans ce cas précis, l’architecte est à l’origine de l’évènement
pour que les habitants prennent possession de l’espace qu’il a conçu et que
ceux-ci lui donnent vie.
Projet de place à Peynier (via)
Les
nefs de la Loire que l’île de Nantes ont quant à elles développées des usages
non programmés et indépendamment de la volonté de l’architecte en charge du
projet. L’architecture devient ainsi un espace vivant accepté et utilisé par ses
habitants.
LA CARTE
Alexandre
Chemetoff pense que toute intervention est une intervention située. Le projet
d’aménagement doit prendre en compte les caractéristiques propres au site
d’intervention. Ainsi se pose la question de l’identité du lieu. L’analyse et
la parfaite compréhension du lieu d’implantation du projet deviennent une étape
essentielle du projet. Grenoble, par exemple, se trouve dans une position
particulière car, grâce au relief environnant, la ville peut rapidement être
vue de haut. Elle se transforme ainsi en un plan relief : les vides et les
pleins deviennent lisibles. Il est ainsi important de penser l’espace public en
plan et de comprendre sa formation. La place de Metz présente un léger défaut
d’alignement probablement lié à l’évolution des règlements urbains. Ce petit
renfoncement peut ainsi accueillir un nouvel usage tel qu’un salon extérieur.
Il est une trace de l’évolution historique du lieu car ce retrait (ou
avancement) d’alignement n’a été rendu possible que par un nouveau règlement
d’urbanisme ou un choix délibéré.
À
Angoulême le projet rassemblant un parking, un centre commercial, des logements
et des espaces publics s’implantait en continuité des remparts de la ville.
Ainsi se pose la question du traitement de la relation entre le rempart et
l’édifice, du lien à créer entre ancien et nouveau. Le projet réalisé est une
réinterprétation des caractéristiques du rempart : mur appareillé
symbolisant la force du rempart.
L’idée
développée par le projet montre une continuité dans la maçonnerie entre le
rempart et le centre. Un soin tout particulier a été apporté au choix de la
pierre et sa mise en œuvre. Une attention particulière a été portée sur l’appareillage
qui se veut contemporain d’art plutôt que sur un pastiche…
Pour
Alexandre Chemetoff, en plus de créer un lieu de vie agréable (de la lumière
naturelle inonde le centre commercial pensé comme une rue marchande), il
fallait tisser un lien urbain et humain entre le projet et son contexte, le
centre-ville.
Projet d'aménagement du Champs de Mars - Angoulême (via)
Pour voir plus de photographies du projet, c'est >>> ici <<<
Dans
un projet qui n’a pas été réalisé, une réflexion a été menée sur la
réutilisation d’une friche industrielle en jardin. Comment employer la nature
et l’architecture déjà présentes pour en faire un nouveau lieu de vie ? Le
concept était d’utiliser l’histoire du lieu, de ses tracés et de son
organisation comme base de projet et de présenter la succession des couches
historiques qui ont marqué le lieu.
Pour
Alexandre Chemetoff, l’histoire et le contexte du site sont importants. Le lieu
se dévoile par la juxtaposition de styles, d’époques et de différences. Sa
conviction que chaque intervention doit être située provient d’une vision
sensible du lieu où tout accident est un morceau d’histoire à raconter.
LE REMPLOI
Alexandre
Chemetoff a été en charge du projet d’extension du parc Paul Mistral à
Grenoble. « Changer peu pour changer beaucoup » nous dit-il. L’idée
directrice a été de réutiliser les voies de circulation voiture condamnées et
les transformer en voies piétonnes : conservation des tracés, réutilisation
des fondations des voies mais changement d’utilisateurs. Ce remploi a permis de
réaliser un projet de vie entièrement dédié aux piétons avec peu de moyen.
Extension du Parc Paul Mistral - Grenoble (via)
La forme urbaine engendrée par l'aménagement des berges de l'Isère a permis une appropriation étonnante de cette espace par la population. L'un des évènements phares a été en Juillet 2010, dans le cadre du Cabaret Frappé, la mise en place d'installations autour du son et du feu. L'agencement a été pensé pour que les installations soient complément intégrés au lieu et à sa morphologie, permettant à la fois de mettre en lumière son cadre paysager mais aussi faire découvrir ces espaces par le piéton.
L’aménagement
du boulevard Vivier Merle à Lyon est un autre exemple de projet où le lieu
offre de la matière au projet. En effet, le site a apporté les matériaux
nécessaires au nouveau projet. Ainsi il devient une sorte de carrière et les
pavés présents sur site sont réutilisés pour créer de nouveaux espaces. Ce qui
existe devient ainsi le gardien de ce qui était.
Alexandre
Chemetoff nous explique ensuite que les enrobés minéraux et artificiels peuvent
être broyés et transformés pour réaliser un sol stabilisé et fertile et n’ont
ainsi pas besoin d’être retirés, transportés et détruits, ce qui réduit le coût
du projet et laisse une trace de l’ancien aménagement du site en question.
NATURALITÉ
Alexandre
Chemetoff développe l’idée que la façade se travaille aussi bien à la verticale
(les baies…) que dans l’épaisseur. La façade d’un bâtiment c’est ce qui
accompagne l’habitant, du trottoir (espace public) à l’intérieur de l’immeuble.
L’architecte doit domestiquer le passage entre l’extérieur et l’intérieur. Il
développe ainsi l’idée d’appréhender la façade comme un seuil.
Le
travail sur les berges de l’Isère à Grenoble a donné lieu à une recherche de
naturalité : un dialogue entre le végétal et l’architecture, où cette
dernière devient support du développement de la première. Alexandre Chemetoff
souligne l’importance d’intégrer le végétal, le vivant, dans l’architecture
tout comme il intègre « l’homme » dans ses projets.
Pour
lui, l’architecture n’est pas le projet livré brut, l’architecte doit voir plus
loin et donner l’opportunité aux habitants de s’approprier l’espace, de leur
permettre de le faire évoluer. « L’île de Nantes » offre un bon
exemple de cette idée de perception de l’espace par l’occupation de l’homme. La
fréquentation de l’espace change également la perception de celui-ci. Il faut
penser l’espace comme non-figé et le laisser évoluer avec la nature et le
temps.
Projet d'espace public - l'Île de Nantes (via)
Alexandre Chemetoff
prône un urbanisme en mouvement, sensible et ouvert au temps qui passe. Il
recherche dans le projet un fil conducteur et pas un projet figé, quelque chose
qui peut évoluer au gré des changements d’usages et des besoins. Son objectif
est de trouver un juste milieu entre les éléments contrôlables et ceux qui ne
le sont pas. « Le projet n'est pas seulement le résultat mais aussi le moyen
d'y parvenir. Il n'est pas un processus, il n'est pas une méthode, il est
véritablement une démarche de projet, d'invention, d'expression, d'affirmation. »
Pour découvrir d’autres de ces travaux :
http://archiguide.free.fr/AR/chemetoff.htm
A voir aussi :
http://webtv.citechaillot.fr/video/alexandre-chemetoff-lecon-inaugurale-lecole-chaillot
Écrit par : Camille B.
Sources :
http://www.ma-ge.ch/sites/default/files/CV_Agence_2008a5_v2_bd.pdf
http://lateliersanstabou.forumactif.com/t228-alexandre-chemetoff-la-definition-du-projet-et-autres-belles-pensees-concretes
L'article m'a passionné! Ca me motive encore plus à découvrir cet archi/urba. Si certains pouvaient un peu plus sans inspirer, il y aurait plus d'espaces publics de qualité !
RépondreSupprimerEn tout cas, ça m'a permis de découvrir différemment des projets que je connaissais comme celui du parc Mistral ou d'avoir d'autres références !