4 avril 2012

EXPOS ET AUTRES CURIOSITÉS | LA GÉOGRAPHIE SENTIMENTALE DE FRANÇOIS LECLERCQ

Le 27 mars dernier se tenait à la Fondation Vasarely, à Aix-en-Provence, une soirée dédiée à l’architecte-urbaniste François Leclercq. Cette conférence avait pour thématique la « géographie sentimentale », et prenait place dans le cadre d’un workshop organisé par l’association Devenir, sur la densification de la première couronne de la ville.

François Leclercq (source : Marine & Raphael)
                                          
François Leclercq, diplômé de l’école d’architecture de Paris la Villette en 1981, a fondé sa première agence dans les années 1980, où il développa une activité d’urbaniste et d’architecte. En 2010, il ouvrit une nouvelle agence : François Leclercq Architectes Urbanistes. Son travail l’a conduit sur des terrains situés sur l’ensemble du territoire français (Bordeaux, Paris, Marseille, Lille…) mais aussi à l’étranger, notamment au Maroc et au Danemark.
Dans cet article nous allons mettre en avant de façon succincte 3 opérations qui marquent l’histoire de l’agence dans le volet urbain.


Euromed II, à Marseille :

L’équipe en charge de réorganiser ce fragment de ville (près de 170 ha) au nord  de la cité phocéenne a vu le site comme un endroit fermé à l’atmosphère déshumanisante. L’une des grandes difficultés du terrain se trouve dans le passage surélevé de l’autoroute A 55. Si cette infrastructure d’entrée de ville est le support d’une vue magnifique pour les automobilistes, elle est perçue par les piétons comme une frontière, une barrière avec la mer. Ce sentiment est amplifié par les multiples murs et enceintes des entreprises ainsi que par les installations portuaires qui distancent toujours plus la ville de l’eau. En revanche l’une des forces du site se situe dans la grande vitalité des quartiers qui le composent (les marchés de fruits et légumes, les brocantes…).

(source : François Leclercq Architectes Urbanistes)

De ces contraintes et de ces forces, le projet s’inscrit dans une dynamique en 3 temps.
Tout d’abord, l’idée forte du projet est de profiter d’un ruisseau (les Aygalades) pour implanter un parc.  Ce dernier se connectera aux espaces plantés de la ville mais aussi aux collines en amont (Massif de l’Etoile) formant une trame verte. Le concept est de créer une sorte de GR…
Le parc bénéficie aussi de traitement le rendant « vivant ». En effet, il est adaptable (inondable) aux changements de débit violents des Aygalades, dû aux pluies. De plus, une stratification de la végétation a été mise en place en fonction du niveau de l’eau pour opérer une vraie dialectique entre l’eau et la flore, ainsi que pour varier les paysages.

Les variations d'aspects du parc (source : François Leclercq Architectes Urbanistes)

Dans un second temps l’équipe voulait conserver l’A 55 pour la desserte de la ville, mais aussi offrir la vue sur la mer tant pour les automobilistes que pour les piétons. L’idée est donc de dessiner une corniche, abritant en surface, une promenade et en dessous un tunnel avec une vue mono-orientée pour les voitures.


Les vues sur la ville depuis le projet (source : François Leclercq Architectes Urbanistes)


Le troisième temps correspond à l’adoption d’une trame classique pour l’ensemble de  l’opération. Ce choix permet de garder une continuité avec le reste de la ville et donc facilité la lisibilité des espaces pour les usagers. Bien sûr cette trame est dessinée en fonction de l’ensoleillement et des vents, en particulier le Mistral.


Paris Nord-Est :

Le projet prend place de la Porte de la Chapelle à la Villette. Sa particularité tient entre la géographie et l’Histoire. En effet, deux émergence topographiques (Montmartre et les Buttes de Chaumont) ont vu l’essor et le développement fulgurant des réseaux de transports : les faisceaux des gares du Nord et de l’Est, le maillage du métro, le périphérique, l’autoroute A1. Ce site peut donc être qualifié de difficile en raison des multiples infrastructures, pourtant selon François Leclercq c’est bien cela qui en fait sa force, c’est le Génie du Lieu.

La topographie significative et l'évolution des réseaux du site (source : François Leclercq Architectes Urbanistes)


Le projet vise à profiter des espaces résiduels, des dross, aux abords du périphérique pour créer une forêt. Celle-ci prendrait place le long de l’axe routier, en contrebas, les talus seraient ainsi creusés pour permettre la conception d’espaces de calmes propices au développement d’un écosystème forestier humide.

(source : François Leclercq Architectes Urbanistes)

L’effort de création est présent aussi dans la composition urbaine. L’équipe a travaillé sur le reconditionnement des bâtis existants (l’entrepôt de McDonald) et leur mariage avec de nouveaux programmes contemporains.

Principe d'aménagement proposé par l'agence (source : François Leclercq Architectes Urbanistes)

A terme, l’enjeu est de faire de cet espace un lieu non plus traversé, mais desservi, ainsi que de recoudre Paris à la banlieue à l’image du défi du Grand Paris.


La Défense, à Paris :

Durant l’exposé, François Leclercq déploie une histoire, un diagnostic de la Défense plus qu’un projet. Pour lui, la Défense a sauvé Paris de l’implosion en accueillant les locaux de nombreuses sociétés. Depuis sa création, le statut de l’ensemble semble s’être rapproché de la ville et ne parait plus un espace urbain lointain, inaccessible. D’ailleurs, l’urbanisme du site engendre des paradoxes tels qu’il est plus facile de se rendre à la Défense lorsqu’on vient de loin plutôt que d’une destination proche…

L'axe des pouvoirs (source : François Leclercq Architectes Urbanistes)

A l’échelle métropolitaine, François Leclercq voit le segment de la Défense – Paris Centre comme  l’axe des pouvoirs : les pouvoirs économiques (75% de la finance française selon l’agence) et les pouvoirs politiques. De plus, en plan, ce cordon se retrouve dans une belle analyse séquentielle paysagère (du centre de Paris vers la périphérie) : la ville hyperclassique (Haussmann), la ville moderne (la Défense), l’agriculture urbaine (plaine de Montesson), la nature anthropique (la forêt Saint-Germain).

Scénographie géographique compressée (source : François Leclercq Architectes Urbanistes)


Au delà des défaillances d’accès, l’urbanisme moderne qui a produit ce quartier, semble aujourd’hui peiner à générer une urbanité. Les usagers désapprouvent ce lieu triste et ennuyeux. Ainsi un nouveau rythme est a trouvé en jouant la carte des « downscrapers » plutôt que les « skycrapers », c’est-à-dire, utiliser les capacités de la dalle pour recréer les conditions d’émergence d’une convivialité en sous sol mais aussi en surface (animé les RDC comme la cœur financier de Manhattan le fait quotidiennement).  Aussi, dans cette dynamique, le rapport à l'eau, à la Seine doit être redécouvert comme à Canary Wharf à Londres. Enfin, les temporalités (24h – 1 an – 20 ans) seraient les marqueurs de l’évolution perpétuelles du site qui s’organise à travers tous les niveaux (sous-sol – dalle – tour).

A la recherche d'urbanité - principe d'aménagement du sous-sol et de la dalle de la Défense (source : François Leclercq Architectes Urbanistes)



Pour finir, nous tenons à vous rappeler que ces informations sont issues de la conférence de F. Leclercq à Aix-en-Provence et que nous vous avons exposé notre compréhension de ses projets. Aussi ces derniers sont en cours de réalisation ou à l’étude. Ainsi l’avenir nous dira quel est l’accueil du public et la pérennité de telles interventions. Pour des infos complémentaires et un autre regard il est bien sûr recommandé de visiter les sites officiels des opérations, du système d’acteurs (gouvernance, urbaniste, architectes, habitants…)


Crédits photographiques : François Leclercq Architectes Urbanistes (http://www.francoisleclercq.fr/) et Marine & Raphael (photos de la conférence)

Écrit par : Raphaël B. et Marine C.

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