3 janvier 2012

SECRETS DES VILLES | TONY GARNIER AUX ETATS-UNIS

« UTOPIES RÉALISÉES »  épisode 3



Quel est le rapport entre Tony Garnier et les Etats-Unis?
C’est en fait le nom d’un quartier du 8ième arrondissement de Lyon. Le conseil municipal de la ville baptise un boulevard au nom des Etats-Unis, en 1917, pour symboliser leur entrée en tant qu’allié pendant la première guerre mondiale. Cet axe principal donnera alors son nom au quartier.
Et c’est dans ce quartier que se situe le projet qui va nous intéresser : « la cité Tony Garnier ».

UN ARCHITECTE UTOPIQUE

Tony Garnier est originaire d’une famille de canuts, ouvriers de la soie à Lyon. Il connaît les conditions difficiles des ouvriers et souhaite les améliorer concrètement en devenant architecte. Il va faire des études au lycée de la Martinière, puis aux Beaux-Arts et montera à Paris pour tenter de décrocher le prix de Rome. Il y parviendra  en 1899 et passera alors quatre années à la Villa Medicis. Il préférera y élaborer son projet, plutôt que d’étudier les monuments antiques. Il inventera une ville nouvelle de toute pièce, sa ville industrielle idéale.
A son retour en France, il présente son projet mais n’est pas compris. C’est finalement à Lyon qu’il trouvera un associé: le maire Edouard Herriot. Les deux hommes ont les mêmes préoccupations. Le maire confie de grands projet à Tony Garnier : les abattoirs et marché au bestiaux (aujourd’hui la halle Tony Garnier), l’hôpital de Grange-Blanche et le stade de Gerland. Tony Garnier espère enfin réaliser son rêve de cité industrielle quand on lui propose un projet dans le quartier des Etats-Unis…

UN PROJET IDÉAL 

Regardons la genèse du projet de cité industrielle imaginé par Tony Garnier. Il a conscience de se trouver dans une époque charnière entre deux siècles. L’entrée dans le XXième est symbole de progrès, des publicités vantent des produits rendant la vie meilleure et plus facile. Mais tous ces biens de consommations doivent être produits, pour cela des industries s’installent de plus en plus nombreuses et attirent la population rurale qui cherche du travail.  D’où un problème de logements. Tony Garnier veut profiter de cette période de progrès pour améliorer la qualité et l’espace de vie, pour cela il va dessiner une ville nouvelle.

Le projet idéal de Tony Garnier propose de séparer plus clairement le lieu de travail du logement. Il reprend une organisation urbaine antique, en travaillant par zonage d’activités : usines, services administratifs et équipements collectifs, habitations. Les circulations sont claires : deux axes majeurs et des rues perpendiculaires, le ville est adaptée à l’automobile.

La zone d'habitation est groupée sur un plateau orienté au sud, à l'abri des vents du nord et des émanations de l'usine. Elle dispose de vastes espaces verts, qui permettent la libre circulation des piétons. Dans un but rationnel, l'usine est localisée dans la plaine, à proximi­té d'un barrage hydro-électrique et d'une voie ferrée. Le but est d’avoir une ville autonome, subvenant elle-même à ses besoins. Tony Garnier va penser et dessiner chaque bâtiment en y intégrant des notions sanitaires : aération, chauffage électrique et ensoleillement. Pour la cité-jardin, les immeubles n’excéderont pas 3 étages et s’étaleront de manière non symétrique. Il opte pour des toits terrasse, et dessine des formes épurées. Il utilise le béton armé, matériau innovant et il s’en sert esthétiquement alors qu’il était caché à l’époque.
Tony Garnier a voulu une ville alliant qualité architecturale, qualité de vie et fonctionnalité. Ce projet utopique influencera les grands architectes modernes comme Le Corbusier. 

LE PROJET RÉALISE

Revenons au projet réalisé dans le quartier des Etats-Unis. Une prise de conscience sanitaire pousse la municipalité lyonnaise à repenser l’habitat social. Dans ce but, Tony Garnier se voit charger de concevoir des logements dans un nouveau quartier. Il dessine et voit alors se concrétiser son utopie. Mais au fur et à mesure, les contraintes sont de plus en plus pesantes et l’oblige à modifier complètement sa cité idéale. Il n’aura à sa disposition qu’un cinquième de la surface initialement prévue. Il doit alors densifier. Seul un immeuble correspond aux volontés de Tony Garnier, les autres monteront à 5 étages et s’organisent linéairement entre rues et cours-jardins.
Le quartier a été inauguré en 1934, en même temps que les Gratte-ciel de Villeurbanne. Cet ensemble de logements fut le premier plus grand ensemble HBM (habitat bon marché) de France. Les équipements publics n’arriveront dans le quartier que dans les années 50, et une ligne de tramway passe aujourd’hui sur le boulevard des Etats-Unis, comme l’avait prévu jadis Tony Garnier.

APPARTEMENT TÉMOIN

J’ai visité un appartement "témoin", qui a été reconstitué grâce aux habitants, malheureusement les photos n’étaient pas autorisées.
Nous avons pu voir que le matériaux composant les murs était un béton noir. Cette couleur vient de l’utilisation de Machefer. Récupéré d’usines locales, il remplace le gravier. L’organisation de l’appartement, un T3, tourne autour de la pièce centrale, ce qui évite un long couloir. La pièce principale lumineuse donne sur une loggia, mais lors de travaux d’isolation, toutes les loggias ont été fermées en « bow-window », excepté celle ce cet appartement. L’architecte a pris soin d’éviter les vis-à-vis, et par la fenêtre, surprise, on voir la cathédrale de Fourvière !

Au final, même réduite, la cité reste un exemple. Les appartements fonctionnels améliorent considérablement les conditions de vie des ouvriers.
Quant au projet de la cité industrielle, il a été un grand pas vers l’époque moderne. Et en y regardant de plus près, le programme initiale de la cité-jardin correspond au programme de logements actuels (immeuble bas, proximité de la nature, …) et donc à nos besoins. Trop avant-gardiste Tony Garnier?

LE MUSÉE URBAIN

Musée urbain ?
Vous avez remarquez que les illustration de cet article sont des murs peints ? Et bien ce sont eux qui forment le « musée urbain ». Un musée gratuit en plein air que l’on peut admirer sur les façades du quartier des Etats-Unis.

Ces murs peints ne sont pas la volonté de Tony Garnier, mais des habitants du quartier. En 1985, débute un chantier de réhabilitation visant à améliorer l’isolation des immeubles. Une couche de polystyrène recouvra les pignons aveugles, ce qui n’est pas très esthétique. Les habitants vont avoir l’idée d’un projet de fresques. Elles seront réalisées par la Cité de la Création, coopérative d’artistes locaux, entre les années 90 et 2000. En tout, 25 fresques murales décorent ces pignons. 

Elles illustrent 3 thématiques :
-le projet de Cité Industrielle de Tony Garnier (en rose)
-les grands projets de la ville de Lyon (en jaune)
-les cités idéales du monde (en orange)
Une grande parties des ces murs rend hommage aux œuvres réalisées ou non de Tony Garnier. Une reconnaissance pour lui, et une valeur ajoutée pour le quartier.

Pour découvrir le quartier, des visites sont proposées par le Musée Urbain Tony Garnier. Et bien sur, il est possible de se balader librement dans le quartier.

Rendez-vous au prochain épisode!

Et pour consulter les épisodes déjà publiés :
Épisode 1: le quartier des Gratte-Ciel à Villeurbanne, partie 1
Épisode 2: le Palais du Travail aux Gratte-Ciel, partie 2

Écrit par : Aurore

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